Gestion déléguée des piscines : le « Contract Management »

Déléguer l’exploitation d’un centre aquatique ? Oui, mais avec un véritable « contract management »

Confier la gestion d’un service public à une entreprise du secteur privé suppose le respect d’un certain formalisme, propre à la loi Sapin de 1993.

En pratique, ce n’est pas chose aisée, car les cahiers des charges devront avoir une durée de vie relativement longue, tout en continuant à répondre aux besoins de l’Administration.

Une des modalités de gestion possible des services publics consiste à les déléguer par la voie d’un contrat liant la collectivité compétente à un opérateur, au terme d’une procédure de publicité et de mise en concurrence lancée selon les prescriptions de la loi Sapin (articles L. 1411 et suivants du Code général des collectivités territoriales).

La passation d’un contrat de délégation de service public implique de la part de la collectivité délégante une attention toute particulière, à la fois en amont de la conclusion de ce contrat, pendant sa vie et à son terme.

La passation de ce type de contrat comprend un certain nombre d’étapes clés qu’une autorité délégante a tout intérêt à suivre pour s’assurer du succès de ce choix d’organisation de service public.

1 – Réaliser un inventaire afin de connaître l’état du patrimoine délégué

La collectivité doit tout d’abord dresser un inventaire de son patrimoine productif pour déterminer l’importance des travaux à réaliser, tant au niveau du premier établissement qu’au niveau du renouvellement de ses biens.

Cet état donne une image du patrimoine de la collectivité à un temps donné, ce qui lui permet de faire la part entre les différents types de travaux à définir dans le cadre de la consultation à venir et ceux relatifs :

  • à l’entretien normal,
  • aux grosses réparations,
  • au renouvellement,
  • à la modernisation,
  • à la mise à niveau des ouvrages.

2 – Connaître les travaux à réaliser pour choisir la nature du contrat de délégation de service

Si des travaux de premier établissement ou de modernisation, voire de mise à niveau réglementaire, s’avèrent nécessaires, la collectivité peut retenir la concession en mettant ces investissements à la charge du futur délégataire. Il devra alors les financer et les « amortir » pendant la durée du contrat.

Dans les autres cas, le contrat de délégation de service consistera à confier les biens du service existants à un délégataire, soit par contrat d’affermage, soit par contrat de régie intéressée.

3 – Mesurer l’économie du service afin de constituer le compte d’exploitation prévisionnel

L’inventaire du patrimoine des ouvrages concourant à l’exécution du service devra être complété par une analyse économique afin de dresser un compte d’exploitation prévisionnel utile à la passation du contrat et à la négociation à venir avec les futurs candidats.

En effet, il est important pour la collectivité d’avoir une connaissance de la répartition des charges affectées en fonction de la nature du service et de son importance, le tout mis en perspective avec l’évolution passée et à venir des recettes (assiette de consommation et nombre d’abonnés). Cela permet à l’autorité délégante de construire un compte d’exploitation prévisionnel représentatif de l’économie du contrat en charges et en produits.

Le fait d’appréhender l’état du patrimoine productif et l’économie générale du service permettra à la collectivité d’engager une négociation sur la base d’éléments objectifs, desquels dépend la fixation des futurs tarifs du délégataire.

Cette dernière remarque est d’autant plus importante quand le service délégué est de nature administrative comme la restauration collective et fait l’objet éventuellement de subventions d’exploitation par la collectivité.

4 – Préparer un dossier de consultation afin qu’il soit le plus exhaustif possible

Une fois la nature du contrat choisie, la collectivité doit s’attacher à la mise en œuvre de la consultation des entreprises dans les conditions fixées par la loi Sapin, en dressant un dossier de consultation aussi complet que possible.

A ce titre, le dossier à remettre aux candidats doit notamment comporter :

  • le règlement de consultation,
  • la présentation des tarifs en vigueur,
  • le cahier des charges,
  • l’inventaire des biens confiés,
  • un état des données techniques et financières retraçant l’historique du service sur ses derniers exercices,
  • un modèle de règlement de service,
  • et le cas échéant un détail des travaux à réaliser.

Certaines de ces pièces feront partie intégrante du contrat en devenant des pièces annexes, d’où l’importance accordée à leur contenu.

A ce titre, le règlement de service doit être conforme à la réglementation inhérente à la nature du service délégué. Ce document créant un lien juridique entre le délégataire et l’abonné, il doit, pour être opposable à ce dernier, comporter une disposition fixant le titre légal par lequel le délégataire est habilité à gérer le service pour le compte de la collectivité délégante. La précision de ces pièces concourra à assurer la passation d’un contrat équilibré en termes juridiques et financiers, tant pour la collectivité que pour l’usager du service délégué.

5 – Rédiger un contrat de délégation avec un souci de précision et d’adaptation aux besoins du service.

Ne pas se contenter des cahiers des charges « type » et profiter d’une certaine « liberté dans la négociation » posée par la loi

Une attention toute particulière devra être portée par la collectivité délégante à la rédaction du cahier des charges et à la détermination des tarifs à appliquer par le délégataire.

La passation d’un contrat de délégation de service public se déroule dans le cadre d’une négociation librement engagée par l’autorité exécutive de la collectivité délégante avec un ou plusieurs candidats dans le strict respect de l’égalité de traitement de ces derniers face à la commande publique.

Par conséquent, la liberté de négociation offerte à la collectivité délégante lui permet de parfaire certaines des clauses du cahier des charges contenues dans le dossier de consultation lors de la négociation des offres, à condition de s’assurer de l’égalité de traitement entre les candidats.

En d’autres termes, la collectivité délégante ne saurait revenir sur la durée fixée dans le cahier des charges de la consultation lors de la négociation directe avec l’un des candidats sans consulter à nouveau tous ceux retenus à concourir, dans la mesure où la durée conditionne substantiellement l’équilibre économique du contrat, donc le niveau des tarifs proposés initialement par tous les candidats.

En outre, les collectivités disposent d’une certaine liberté pour adapter au cas par cas le contrat aux réalités techniques et financières du service car elles peuvent, depuis les lois de décentralisation, déroger aux cahiers des charges type.

Pour cela, il existe un certain nombre de clauses contractuelles au sein du cahier des charges, auxquelles la collectivité délégante doit apporter une attention toute particulière en les modelant à la nature du service délégué comme à ses impératifs d’exploitation.

Autre élément essentiel, ne pas oublier les clauses essentielles du contrat ou « les clignotants contractuels ».

La collectivité doit, lors de la négociation, se concentrer sur les clauses essentielles, sans se laisser distraire par celles pouvant être considérées comme accessoires.

A cet égard, il est intéressant de répertorier les clauses contractuelles essentielles à la vie du contrat et à la préservation de la logique économique de la délégation de service concernée par la consultation.

En outre, ces clauses essentielles ont toutes une incidence sur la détermination des tarifs du délégataire lors de la présentation de son compte d’exploitation prévisionnel.

Dans leur ordre d’apparition au fil du cahier des charges, ces clauses que l’on pourrait, par analogie à la sémantique propre au contrôle de gestion, qualifier de « clignotants contractuels », sont les suivantes :

  • La définition du service

La précision est de rigueur car une définition erronée ou imprécise peut créer des troubles dans l’exécution à venir du contrat. Par exemple, en matière de service d’assainissement, il faut préciser la consistance du service en fonction des ouvrages existants, collecte, transport ou épuration des eaux usées, et en fonction de l’importance du service dont la collectivité a la charge, assainissement collectif et/ou non collectif.

  • La durée du contrat

La durée est fonction de la nature du contrat, concession ou affermage, et de l’objet du contrat, stationnement sur voirie ou distribution d’eau potable. Elle détermine l’équilibre du contrat et influence directement le niveau des tarifs présentés par les candidats. Elle peut ainsi varier de vingt ans pour un contrat de concession, à cinq ans pour une régie intéressée, en passant par douze ans pour un contrat d’affermage. En tout état de cause, la durée est fixée par l’autorité délégante en fonction du montant des investissements et des travaux mis à la charge du délégataire.

  • Le périmètre du service

Le service doit être défini en fonction de la réalité du service affermé. L’inventaire des biens confiés au délégataire participe à la définition de ce périmètre en tant que pièce annexe au contrat. Cette définition prend encore plus d’importance au regard des dernières jurisprudences sur la rupture de l’équilibre général de la délégation de service public en cas d’extension du périmètre à des ouvrages non prévus au contrat initial.

  • Le renouvellement des biens confiés au délégataire

Une des dépenses du délégataire est constituée par le renouvellement des biens effectué en cours de contrat. Cette dépense analysée par le délégataire comme une sorte d’assurance sur la préservation du patrimoine lui ayant été confié doit être surveillée de très près par la collectivité. En effet, cette dépense représente une charge importante dans le compte d’exploitation prévisionnel (généralement entre 10 et 15 % des dépenses présentées par le délégataire).

  • La répartition et le régime de travaux

La collectivité doit aussi distinguer de la manière la plus précise possible la répartition des travaux relevant de sa responsabilité de ceux qui sont à la charge exclusive du délégataire. Pour cela, il est conseillé de dresser un tableau récapitulatif et exhaustif des travaux de renouvellement, d’entretien normal et de grosses réparations entre la collectivité et le délégataire. En effet, de cette répartition découlent un certain nombre de charges pour le délégataire, dont l’intégration dans le compte d’exploitation prévisionnel fera varier sensiblement le tarif. Le détail de la répartition de ces travaux entre la collectivité et son délégataire offre une sécurité juridique quant aux modalités de suivi des engagements contractuels de chacune des deux parties.

  • Les clauses de révision des tarifs

L’autorité délégante doit rédiger ces clauses de révision de tarifs en fonction de la nature du service délégué, de manière très précise pour que leur application n’entraîne pas, lors de la revalorisation des tarifs, une modification de l’économie générale de la délégation.

  • Les garanties financières offertes par le délégataire

La collectivité doit s’assurer d’un cautionnement suffisant du délégataire pour qu’en cas de reprise en régie provisoire, celle-ci puisse gérer et supporter les charges normales du service pendant une durée suffisante pour pallier l’éventuelle carence du délégataire en place.

  • Les sanctions pécuniaires

Même si l’objet d’une délégation de service public n’est pas de procurer à la collectivité des ressources financières par l’entremise d’éventuelles sanctions pécuniaires exorbitantes supportées par le délégataire, il reste que le montant de celles-ci doit être suffisamment dissuasif pour des cas de défaillance réalistes. Il est de même impératif que la collectivité n’hésite pas à facturer les pénalités identifiées contractuellement.

  • Les conditions de sortie de la délégation

La collectivité doit prévoir les différentes conditions de sortie du contrat, avec la possibilité de résilier le contrat en cas de faute grave du délégataire. Elle doit également prévoir le cas d’une reprise en régie provisoire en cas de défaillance du délégataire.

La collectivité doit aussi se donner la possibilité d’intervenir dans la gestion du service dans les six mois précédant le terme du contrat en vue de préparer le futur mode de gestion. A cet égard, la collectivité s’intéressera à la rédaction de l’article relatif au régime du personnel du délégataire. Enfin, elle peut aussi fixer les conditions éventuelles de rachat en cas de cessation anticipée du contrat avant son terme.

  • Enfin, penser à instaurer un suivi efficace de l’exécution du contrat, ce que l’on appelle le « contract management ».

Dans la mesure où le prix du service public rendu est, dans le cas d’un affermage, généralement constitué de deux composantes distinctes – d’un côté, le prix perçu directement par le délégataire ; de l’autre, la part revenant à la collectivité en vue de couvrir les amortissements des biens affermés -, une évolution maîtrisée du prix dépend de l’assurance que le délégataire remplit l’ensemble de ses obligations contractuelles.

Dès lors que le contrat est signé, la collectivité délégante doit s’attacher à mettre en œuvre un suivi de l’exécution de la délégation du service, à la fois au niveau financier et technique.

Les dispositions légales en vigueur stipulent que le délégataire est tenu de remettre à l’autorité délégante un rapport annuel comportant notamment les comptes retraçant la totalité des opérations afférentes à l’exécution de la délégation de service public et une analyse de la qualité du service (article 2 de la loi no 95 – 627 relative aux marchés publics et délégations de service public, dite « loi Mazeaud »).

  • Le suivi dynamique par la fixation de rendez-vous périodiques

De plus, la collectivité peut demander à son délégataire de lui fournir, lors de rendez-vous périodiques, des informations complémentaires pour s’assurer de l’application du contrat : travaux d’entretien préventif, renouvellements effectués, intégration de nouvelles prescriptions réglementaires…

Ces rencontres sont l’occasion de vérifier sur les plans technique, juridique et financier, l’application par le délégataire de ses obligations contractuelles.

  • Auditer le service en cours de contrat

Il est aussi possible que la collectivité délégante puisse décider d’un audit en cours de contrat pour remplir divers objectifs : mettre à plat l’économie du contrat, constituer des tableaux de bord de la délégation, anticiper la fin de contrat avant une nouvelle mise en concurrence.

6- Se préparer à la fin du contrat pour éviter ses désagréments

Enfin, la collectivité doit préparer la fin du contrat, soit en se donnant les moyens de reprendre en régie directe la gestion du service, soit en continuant la délégation du service.

Pour ce qui est de la reprise en régie directe, la collectivité doit prévoir le rachat du matériel, de l’approvisionnement et des moyens humains nécessaires à la continuité du service.

Dans le cas de la reconduction d’un contrat de délégation de service, la collectivité doit se préparer environ un an avant le terme du contrat compte tenu des délais inhérents à la procédure de publicité et de mise en concurrence prévue par la loi Sapin (six à huit mois).

Dans les deux cas, la collectivité délégante a tout intérêt à signer avec son délégataire un protocole de fin de contrat réglant les conditions de sortie de la délégation afin d’éviter toute tension éventuelle sur les travaux restant à réaliser (premier établissement, entretien et/ou renouvellement), les régularisations au titre de la TVA sur les investissements.

En conclusion, la réussite de la délégation d’un service public repose sur la précision du contrat découlant d’une négociation engagée entre la collectivité et son cocontractant en fonction de la connaissance de l’exploitation du service et de son adaptation à des éléments exogènes à la loi des parties telle que l’évolution de la réglementation et de la jurisprudence à la date de passation du contrat.

Partagez cet article !